Témoignages

, par  FFAP

François Le Dudal - Apiculteur à Cohiniac dans le 56

« Apiculteur professionnel installé depuis bientôt 7 ans à Cohiniac dans les Côtes d’Armor, j’ai constaté une mortalité des abeilles de plus de 80% à la sortie de l’hiver.. Du Jamais vu !!

Après avoir mis en hivernage 360 colonies et observé que celles-ci étaient très populeuses, actives et dynamiques en novembre j’abordais cette nouvelle saison apicole avec confiance et satisfaction du travail accompli.

En effectuant mes visites au printemps je n’ai pu que constater le désastre : de rucher en rucher toujours la même observation :

des ruches dépeuplées, sans vie, mais pleines de miel..

Le bilan est lourd : je ne pense pouvoir sauver qu’environ 70 colonies dont une partie est considérablement affaiblie. J’observe habituellement un taux de perte hivernal n’excédant pas les 15 à 20%, ce qui est déjà en soit inacceptable.

Cette situation induit directement une année blanche en terme de production de miel, une perte en valeur financière du cheptel considérable mais aussi au regard de ma situation de jeune installé, des difficultés énormes quant aux obligations et engagements auxquels je doit faire face (cotisations sociales, emprunts, assurances, charges de fonctionnement, etc, etc...).

Je me trouve à la fois décontenancé face à cette catastrophe écologique, désemparé face à un tel désastre et en colère en constatant l’immobilisme ambiant, l’incompétence et le manque de soutien des « décideurs » qui excellent mieux aujourd’hui en tant que communicants plutôt qu’en responsables soucieux de leurs concitoyens et de notre environnement.

Les alertes pourtant se multiplient :

Le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) et le centre national de la recherche scientifique (CNRS) annoncent, un déclin catastrophique des oiseaux dans nos campagnes, un tiers ont disparus en quinze ans !!

A l’automne 2017, des chercheurs allemands et britanniques conduits par Caspar Hallmann (université Radboud, Pays-Bas) ont, pour la première fois, mis un chiffre sur le déclin massif des invertébrés depuis le début des années 1990 : selon leurs travaux, publiés en octobre 2017 le nombre d’insectes volants a décliné de 75 % à 80 % !!

Alors on continue ???... Et qu’est ce qu’on dira à nos enfants ?..
Moi, j’ai décidé de me battre..
La colère me porte encore, mais jusque quand ? »


Pascal Gaultier, apiculteur en Charente, installé auparavant en Bretagne


Claire Prieur et Thomas LE GLATIN, apis dans le 56

Nous avons vécu une année 2017 merveilleuse : en janvier nous sabrons le champagne pour fêter la création de notre activité.

En avril nous partons chercher nos protégées, 190 colonies dynamiques et populeuses. Nous les installons en centre Bretagne sur 12 ruchers sélectionnés avec soin. Nous démarrons notre activité en conversion biologique. La même semaine que l’installation de nos colonies, nous accueillons notre deuxième enfant… un joli message ! En aôut nous faisons de belles récoltes. Celles-ci dépassent même nos espérances ! Nous sommes ravis, fiers et plein d’optimisme.

En septembre nous commençons à commercialiser notre production. Nous avons les félicitations des clients que nous transmettons aux abeilles ! A l’automne, les ruches sont encore populeuses. Les réserves de miel sont conséquentes. Les abeilles sont préparées à l’hivernage et peuvent tenir un siège !

Mais début décembre des signes d’inquiétude apparaissent : l’un des ruchers les plus forts est décimé. En moins d’un mois les ruches populeuses se sont vidées de leurs abeilles. Il ne reste RIEN en dehors d’une petite grappe pétrifiée avec les premiers froids. Les mauvaises nouvelles s’enchaînent. 2 autres ruchers subissent le même sort. Angoisse. Nous ne voulons plus poursuivre nos visites par peur de devoir encore jouer le corbillard. Puis à l’approche des premiers beaux jours il faut y aller. Ce que nous redoutions tant pendant tout l’hiver est la triste réalité.

Au bilan nous avons perdu 160 colonies et 10 ruchers sur 12 sont entièrement décimés. Cela représente 85% de perte. Sur les deux derniers toutes les colonies sont vivantes. Un peu de baume au cœur.

Le fait que la situation de nos ruchers soit si tranchée laisse peu de doute sur la cause de cette mortalité massive. Cet empoisonnement caractérisé doit être dénoncé et attesté par l’État pour que cesse le massacre. C’est le sens de notre mobilisation. Nous venons de nous installer. Nous voulons croire que demain nous serons encore apiculteurs.

Claire Prieur et Thomas LE GLATIN
La Fontaine Airmeth
Kerio 56160 PLOËRDUT


Dominique Burel, apicultrice dans le 22

En plus d’accuser mentalement, psychologiquement et financierement la disparition des abeilles de notre Nature, je dois RASSURER toutes personnes qui me questionnent sur la réalité de la mortalité des abeilles : "Mais, PERSONNE n’a donc remarqué que lorsque l’on parcours 100km en voiture, il n’y a pas un insecte sur le parbrise... tout propre..., à quoi cela est il dù ?
Je n’en peux plus de devoir passer du temps à remplir des dossiers Administratifs commanditer par des Observatoire-mascarades pour faire travailler des fonctionnaires où l’Etat ne donnera pas suite... si peut avec des subventions quand il n’y a plus d’essaims à acheter nul part et de bonne qualité, pour les déplacer dans un environnement empoisonné subventionné lui aussi.
Chaque année renouveler notre tâche, en faisant de notre mieux et bien plus, pour qu’au printemps nos espoirs se meurent dans le vide mortifère de nos ruches.
L’ABEILLE est l’un des fusibles quantifiables de la bonne santé de la Nature, quand celui-ci saute et que l’on n’arrive à pas changer le systhème, pour des raisons économiques, idéologique agricole... alors ce doux nom d’apiculteur n’a plus raison d’être.
je laisse ma place, je pars pour ne plus avoir à rassurer la PEUR DES HOMMES


Corinne Albezard apicultrice, et Jean-Claude Crolas, apiculteur depuis 40 ans, dans le 56

Berric, Morbihan sud Novembre 2017 ; 290 ruches
Avril 2018 , 40 ruches

250 ruches désertes, quelques poignées d’abeilles au fond de certaines. 250 ruches pleines de miel, mais dont les habitantes ont disparues. 250 ruches, c’est en été 12 millions d’abeilles qui butinent et pollinisent les fleurs et fruits dont nous nous nourrissons , et c"est encore bien plus d’autres insectes précieux à l’équilibre de la vie qui ont disparus en silence. Vous souvenez vous de la dernière fois que vous avez eu à nettoyer votre pare-brise ou vos phares des insectes écrasés dessus ?

Les abeilles nous préviennent. Les laisser mourir, c’est nous laisser mourir nous-même.


Annie et Laurent Maugis apicultrice et apiculteur dans le 22

Le 15 février 2018, 15h00. Une bien belle journée pour visiter un de nos ruchers sur la commune de Trémel (22).
En arrivant sur le site, un silence inhabituel. Commence alors l’ouverture des ruches pour voir ce qu’il se passe....
Très vite, le verdict est accablant.... 33 ruches sur 36... mortes.
Les 3 rescapées mourront les semaines suivantes...
Depuis cette date, un rucher, sur la commune de Plouaret (22) ... il ne reste que 1 ruche hivernée sur 16
TOTAL DE L’HIVER 2017 - 2018 : 63 % DE PERTES


Gaëlle Morvan, apicultrice dans le 29

Bonjour,
je n’étais pas restée en contact avec les collègues professionnels, un peu débordée par les enfants, un déménagement et mon manque d’organisation...
Je suis maintenant dans le Morbihan, à Camors, et j’ai des ruches ici et sur dans le Finistère encore.
De mon côté, j’ai perdu énormément de ruches aussi cette année. De 200 à l’hivernage, je me retrouve à une 30aine...
Des ruches pleines de provisions ; la plupart même pas pillées ; pas une abeille, pas de trace de couvain. Une colonie que j’ai visitée mi-avril avait 2 cadres de couvain, 4 cadres d’abeilles, un peu faible mais pouvant survivre. 10 jours plus tard, il reste une petite poignée d’abeilles, une belle ponte de la reine mais des abeilles prêtes à naître refroidies... Une perte de plus en 10 jours !!!
Dans le Morbihan, 4 ruchers sur 5 totalement perdus. Dans le Finistère, j’avais un rucher en pleine ville à Saint-Renan, qui a toujours bien hiverné : perte totale aussi !
M’étant blessée au bras en fin de saison, je n’avais pas fait le traitement anti-varroa, mais là ce n’est clairement pas ça le problème. J’ai déjà perdu des colonies du varroa et ça ne ressemble pas à ça.
Le varroa, plus le frelon, plus les pesticides, connus et nouveaux, ça commence à faire beaucoup...
Bref, je jette l’éponge sur l’apiculture professionnelle, je ne me vois pas continuer comme ça après avoir déjà passé 5 ans à tirer la langue rien que pour conserver mon cheptel, mais je participerai aux actions que je peux pour faire connaître la situation.
Cordialement

Gaëlle Morvan


José Nadan, apiculteur dans le 56, secrétaire du SAPB :

J’ai été un des apiculteurs·trices à l’initiative du convoi mortuaire en direction de la Chambre régionale d’agriculture de Rennes du 30 avril au 4 mai prochain. Je suis désolé du délai très court, mais la situation poignante de collègues apiculteurs m’a fait décider de cette action dans la précipitation. La saison apicole a démarré, mais malgré tout, j’ai choisi de consacrer une semaine pour dénoncer comment l’agro-chimie extermine impunément des milliers de colonies d’abeilles sur un territoire.

En effet, la fin de nos visites de ruches laisse nombre d’entre nous près de la dépression.

Des ruchers entiers très beaux à l’automne, sont aujourd’hui complètement décimés.

Les pertes sont particulièrement élevées dans le centre Bretagne, mais d’autres zones sont aussi concernées.

Personnellement quand je cumule, les ruches dépeuplées, les orphelines, les bourdonneuses ou autres non viables, j’approche les 50 % de pertes.

C’est du jamais vu depuis le début de ma carrière en 1984

Mais si je vous sollicite aujourd’hui, ce n’est pas pour mon cas personnel (je suis en fin de carrière, je n’ai aucun prêt bancaire...).

Mais la situation de collègues plus jeunes me désempare totalement. certains, pourtant très sérieux et très compétents ont perdu jusqu’à plus de 80 % de leur cheptel.

Leur situation financière est dramatique : quasiment pas de récolte possible cette année, et comment reconstituer leur cheptel.

Le soutien que l’on serait en droit d’attendre des pouvoirs publics est plus une source de désarroi supplémentaire.

Lors d’un bel après midi, votre passage dans un rucher complétement inactif et silencieux à de quoi vous faire déprimer...

Suite à nos déclarations de pertes hivernales, le passage de certains vétérinaires dans le cadre de l’observatoire des mortalités mise en place cette année(1) a de quoi vous pousser au suicide : Des analyses sont possibles en cas de suspicion de maladie ou parasite, Mais aucune recherche, aucune analyse, aucun financement n’est prévu pour orienter vers une intoxication chimique. Même dans ces cas extrêmes de pertes de 80 % des colonies...

De récentes études annonçaient 80 % d’insectes en moins en 30 ans, et 30 % d’oiseaux en moins au cours des 15 dernières années...

Et nos abeilles ne seraient victimes que de parasites ou de maladies...voir pire de l’apiculteur.

Les apiculteurs ruinés ne peuvent prétendre à aucune indemnité, mais l’Etat trouve des finances pour payer une armée de vétos pour un observatoire complètement dénué de bon sens, dont on connait de toute façon les résultats.

Une bonne action serait elle envisageable ? Arrêtez cette mascarade et donner ces crédits aux apiculteurs ruinés pour qu’ils reconstituent leur cheptel. Et prendre une bonne fois pour toute le virage du changement vers une agriculture vertueuse et non pas vers-tueuse.

(1)La région Bretagne est cette année région pilote dans le cas d’un Observatoire des Mortalités et des Affaiblissements de l’Abeille(OMAA).
Dans le cadre de ce dispositif il suffit à l’apiculteur constatant des mortalités d’appeler le 02 44 84 68 84 pour être mis en relation avec un veto. Celui-ci après un questionnement minutieux sur les pratiques, va effectuer un comptage varroa... Mais aucune analyse de recherche de pesticides pour ces pertes d’hiver n’est prévu dans ce cadre. Nous aurions pu espérer qu’un tel dispositif, permettent enfin à l’Etat de constater et de reconnaître que les abeilles aussi sont victime des pesticides....


Hélène Braud-Vaillant, apicultrice dans le 35 :


Lundi 23 avril 2018. 15h30 en Bretagne... Traitement fongicide sur Colza