Sol’abeille, la pépinière d’essaims solidaires d’Ariège

, par  FFAP

Durant l’hiver 2013-2014, les apiculteurs du massif pyrénéen ont constaté une importante mortalité des colonies d’abeilles. Ce sont plus de 3500 ruches qui sont mortes. Près de 60 exploitant·e·s ont perdus jusqu’à 80 % de leur cheptel.

À l’initiative de la FFAP, aidée de la Confédération Paysanne, un appel à don national a réuni 200 essaims. Le 28 mars 2015, a donc eu lieu en Ariège, la transhumance de la solidarité. Les essaims venant de toute la France ont été donnés aux apiculteurs et apicultrices professionnel·le·s ayant subi des mortalités d’abeilles massives pendant l’hiver 2013-2014.

En Ariège, les apis ont créé l’association Sol’Abeille afin de pérenniser cette action de solidarité.
Cette association a pour but d’assurer la gestion des colonies données afin de conserver, soutenir et développer l’apiculture ariégeoise professionnelle.
Le principe de cette pépinière est de mettre à disposition des essaims pour les apiculteurs professionnels ayant subi de lourdes pertes avec une priorité aux jeunes en cours d’installation.

Christophe Michelotti, apiculteur en Ariège, membre de la FFAP et de Sol’abeille nous détaille un peu plus son fonctionnement :

Comment fonctionne l’association ?

Pour le fonctionnement nous avons essayé de rendre la chose simple. Comme pour beaucoup d’association, le problème c’est que nous avons du mal à nous réunir régulièrement. Aujourd’hui on se réunit autour d’une à deux fois par an.
La cotisation s’élève à 50€ par an.
À ce jour nous avons une vingtaine d’adhérent·e·s avec des niveaux d’implication différents. Il y a 7 administrateurs et administratrices, et 5 sont particulièrement investi·e·s.
Ce que je trouve intéressant dans ce projet c’est que nous avons essayé de simplifier au maximum son fonctionnement pour que ce ne soit pas trop contraignant et que ça ne freine pas celles et ceux qui voudraient s’investir dans le futur.
Ce fonctionnement léger c’est ce qui a permis que ce ne soit pas trop chronophage, que les apis ne reposent pas sur un·e ou deux référent·e·s mais prennent véritablement en main cet outil.

Comment fonctionne la pépinière d’essaims ?

Chacun·e est responsable de ses essaims, il les a à disposition, il travaille comme il veut avec, évidemment dans le respect des colonies.
Nous essayons d’être le plus neutre possible dans le débat sur l’utilisation des différents types d’abeilles (abeilles locales, si tant est qu’elles existent réellement encore).
Nous avons un formulaire de demande de prêt d’essaims. Nous demandons à ce que l’apiculteur·trice soit installé·e ou en cours d’installation, c’est-à-dire au minimum auprès de la MSA. Dans ce formulaire il faut qu’il explique en 5 ou 10 lignes sa problématique et son projet. Il est impératif qu’il ait fait sa déclaration de mortalités auprès de la DDPP.
Ça nous semblait important parce que très souvent lorsque nous rencontrons l’administration, notamment de la DDPP, dans le cadre de discussion sur les mortalités massives, on nous rétorque qu’il y a trop peu de déclarations.
Nous savons que c’est parfois pénible de remplir ces déclarations, surtout que le résultat n’est souvent pas à la hauteur de nos attentes. Il est cependant primordial que nous fassions remonter un maximum d’informations.
Ensuite nous fournissons dix essaims par personne.
Les bénéficiaires doivent ensuite faire leurs propres multiplications. Ils·elles peuvent ainsi atteindre un nombre de ruches qui doit leur permettre de poursuivre son activité. Ça ne comble pas complètement les pertes mais ça permet sur la première année de ne pas « taper » dans ses propres colonies.
Au début nous avions mis des périodes de prêt de un an. Ce n’était vraiment pas assez. Depuis nous sommes plutôt parti·e·s sur 2 à 3 ans. C’est beaucoup plus pérenne.
Quand la personne se sent à l’aise, qu’il a réussi à reconstituer son cheptel, ou s’il est arrivé à ce dont il avait besoin ou envie, il remet ses essaims dans la pépinière et ils sont remis à un nouveau demandeur. La passation se fait donc entre les deux apis.

©Simon Jourdan
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Comment a évolué l’association depuis sa création ?

Il y a eu différentes évolutions depuis la création en 2014-2015, au-delà de la durée de prêt. Nous avons réussi à financer d’autres actions. Nous avons une adhésion de 50€ et en fait l’association a peu de dépenses. Nous nous sommes donc interrogé·e·s sur ce que nous pouvions faire avec cet argent, quelque chose qui puisse servir à tout le monde. Au début nous avions pensé à acheter des ruchettes pour éventuellement les prêter à celles et ceux qui ont des difficultés pour acheter du matériel. Mais c’était au final trop compliqué à gérer.
Nous avons donc choisi d’accompagner la lutte contre le cynips du châtaignier. Le châtaignier est pour nous une miellée importante et une grande source de pollen pour arriver jusqu’à l’automne et passer l’hiver.
Concrètement quand un apiculteur fait un lâcher de Torymus contre le cynips, Sol’abeilles finance un deuxième lâcher. Pour être efficace il faut effectivement faire deux lâchers.
Cette année par exemple nous avons dépensé 1800€ pour cette action. Ça a permis aussi de solliciter un petit peu les gens. L’association se fait donc voir dans un autre contexte que celui des mortalités et se positionne en tant que soutien à l’apiculture professionnelle.
On a organisé deux vide-greniers qui ont attirés du monde. On ne sait pas encore si on va le refaire cette année. Mais nous avons différents projets.

©Simon Jourdan
Simon Jourdan

Quelles limites vois-tu dans cette structure ? Et comment perçois-tu son évolution dans le futur ?

Il y a tout d’abord les difficultés à faire en sorte que tout le monde s’implique réellement. Mais nous avons quand même réussi à mettre en œuvre un système qui est très facile à mettre en place.
De plus il peut très bien être mis en sommeil pendant un certain temps, et une fois qu’un·e apiculteur·trice rencontre des difficultés il est possible de réactiver facilement la structure.
Toutefois il faut quand même qu’un groupe d’apis soit derrière pour pas que ça s’endorme complètement.
Autre limite aujourd’hui c’est le nombre de demande. Cette année nous n’en avons eu que deux ou trois. Ce qui est peu. Pourtant nous avons fait quand même pas mal de communication là-dessus à destination des apis, le CFPPA, dans les structures régionales, etc.
Une des solutions est sans doute de passer à une échelle régionale ou du moins élargir à un autre département.

Pourquoi à ton avis y-a-t- il si peu de demandes ?

Il y a une partie des apis qui ne veulent pas déclarer leur mortalité, pour différentes raisons. Certain·e·s restent sceptiques sur le rapport entre les mortalités et les pesticides alors qu’il n’est quand même plus nécessaire de dire quelle influence néfaste à la chimie dans l’environnement et sur nos abeilles. D’autres ne veulent pas parler de leurs mortalités de peur de passer pour de mauvais apis. C’est vrai que dernièrement quand on parle de mortalité, les mauvaises pratiques apicoles sont mises en avant.
Nous, nous restons disponibles pour soutenir celles et ceux qui rencontrent des difficultés.

Le mot de la fin ?

Sol’abeille a permis de donner du lien a un moment ou nous en avions besoin, pourvu que ça dure.


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