Réponse à la consultation publique Dérogation Néonicotinoïdes

, par  FFAP

Réponse à la consultation du public sur le projet d’arrêté instaurant une dérogation pour l’utilisation en 2023 de semences de betteraves sucrières traitées avec des néonicotinoïdes

le 19 janvier 2023,

A Madame la première ministre,
Monsieur le ministre de l’agriculture,
Monsieur le ministre de la transition écologique,

En 2016, l’interdiction des néonicotinoïdes à compter du 1er septembre 2018 a été adopté pour en finir avec ces molécules. Depuis les études n’ont cessé de confirmer l’extraordinaire toxicité de ces pesticides, pour tous les milieux.
Des dérogations sont possibles, mais comme le stipule le règlement européen du 21 octobre 2009, les états membres ne peuvent en bénéficier qu’uniquement en cas de « situation d’urgence » et de « danger qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens raisonnables ».

Malgré les effets dévastateurs largement documentés, et pour la 3ème année consécutive, votre gouvernement s’apprête à accorder une nouvelle dérogation pour l’utilisation de néonicotinoïde en enrobage des semences de betteraves sucrières. La filière sucrière justifie sa demande en invoquant une nouvelle fois un « état d’urgence » pour lutter contre la jaunisse de la betterave, dans la mesure où elle ne disposerait pas de traitements suffisamment efficaces.

Or, une étude de l’INRAE et de l’Institut Technique de la Betterave réalisée en décembre 2022 montre une faible pression épidémique : seuls 6 % des pieds analysés présenteraient des résultats positifs au virus de la jaunisse. Le caractère d’urgence n’est donc absolument pas établi et ne peut être invoqué.

Par ailleurs,quand ils sont utilisés en traitement de semences, le recours aux néonicotinoïdes relève très largement d’un usage prophylactique : un traitement préventif et systématique, pratique agricole largement dénoncée comme obsolète.
En effet, la FFAP rappelle que l’usage prophylactique des pesticides est en totale contradiction avec les objectifs d’Ecophyto et les principes de base de la lutte intégrée inscrits dans la directive européenne sur l’utilisation durable des pesticides (directive 2009/128).
D’ailleurs d’autres pays frontaliers comme la Belgique n’ont pas renouvelé cette dérogation.

L’Anses l’a précisé à plusieurs reprises : des méthodes alternatives de lutte sont déjà bien identifiées et seule une combinaison de plusieurs de ces méthodes doit être envisagée dans le cadre d’une lutte intégrée.
Une 3ème année consécutive dérogatoire ressemble plus à une routine paresseuse qu’à une méthodologie de lutte réfléchie et cohérente, soucieuse de ses impacts sur les milieux naturels.

Plusieurs études ont d’ailleurs fait valoir que l’utilisation des néonicotinoïdes n’a pas permis une augmentation significative des rendements pour les agriculteurs. En revanche, l’augmentation significative des cadavres d’abeilles, elle, n’est plus à démontrer.

L’ensemble des éléments ne peuvent que confirmer l’urgente nécessité d’une interdiction complète dès 2023. Aussi, la FFAP s’oppose fermement à cette demande de dérogation.