Lettre au ministre de l’agriculture

, par  FFAP

Monsieur le Ministre de l’Agriculture, où en sommes nous du plan de sauvegarde urgent aux apiculteurs ?

Paris, le 5 juillet 2018,

Monsieur le Ministre,
Au lendemain de la présentation par le Gouvernement du plan biodiversité, nous vous rappelons que les apiculteurs sinistrés sont toujours sans réponse de l’Etat sur les surmortalités d’abeilles constatées en sortie d’hiver. Depuis ce printemps, nombre d’apiculteurs et apicultrices alertent sur la catastrophe tant écologique qu’économique dont ils sont victimes : à l’issue de la période hivernale, ils ont constaté une perte massive de colonies, jusqu’à 80% de leurs ruchers. Sans moyen de production, dans l’incapacité de produire du miel, nos collègues sont anéanti.e.s et dans l’impossibilité de vivre de leur métier, malgré leur travail consciencieux dans le suivi de leurs colonies. Derrière ces mortalités, ce sont des hommes, des femmes, des familles qui se retrouvent dans une situation extrêmement précaire. Pour eux, c’est un véritable drame économique qui met en réel péril la survie des exploitations.

Les apiculteurs ont sonné l’alerte dès avril

Ils n’ont pas ménagé leurs efforts pour faire connaître leur situation dramatique.
D’abord au niveau régional : auprès des DRAAF, des organismes à vocation technique ou sanitaire, des chambres d’agriculture, des préfectures ...
Ensuite au niveau national : des parlementaires vous ont interpellé, nos organisations ont rencontré vos conseillers et puis ceux du Président de la République, des apiculteurs sinistrés vous ont interpellé en Bretagne, région particulièrement touchée par ces surmortalités.

A chaque fois la même revendication pressante : les apiculteurs attendent la mise en place urgente d’un plan exceptionnel de sauvegarde des exploitations sinistrées.

Aujourd’hui, où en sommes nous ?

Après de longues semaines de déni, votre ministère à décidé de lancer non pas une mais deux enquêtes pour établir un état des lieux précis des mortalités sur l’ensemble du territoire.

  • A la mi juin, il mobilisait les services déconcentrés de l’Etat dans les régions et départements. Les résultats de cet état des lieux ont été publiés le 28/06 sur le site du Ministère et ils corroborent les alertes de notre filière : "tout ou partie des régions Bretagne, Nouvelle-Aquitaine, PACA et Bourgogne-Franche-Compté connaîtraient effectivement une augmentation des mortalités hivernales en 2017/2018 par rapport aux hivers précédents, cette augmentation semblant particulièrement importante en Bretagne et Nouvelle-Aquitaine"
  • Le 25/06, la DGAL a annoncé le lancement d’une grande enquête début juillet, pilotée par l’Anses, dans le cadre de la Plateforme nationale d’épidémiosurveillance en santé animale (plateforme ESA) ; résultats espérés en octobre prochaine, soit à la veille de la prochaine mise en hivernage.

Toujours pas de réponse sur un plan de sauvegarde aux apiculteurs sinistrés

Quoique bien tardives, on pourrait saluer ces initiatives si nous n’avions pas une interrogation majeure : quid du devenir des exploitation d’ores et déjà sinistrées ?

A l’heure actuelle, aucune proposition n’est avancée pour répondre à la détresse de ces exploitations qui dès avril ont signalé à maintes reprises des taux de surmortalités exceptionnels. Bien que le premier recensement lancé par notre ministère confirme les mortalités exceptionnelles dénoncées depuis avril, nous n’avons aucun signe de volonté politique d’un plan de sauvegarde. Aucun dialogue ne s’est engagé concrètement avec nos organisations, que ce soit sur l’enquête des services déconcentrés ou sur le dispositif d’indemnisation tant attendu. Même une mesure comme la prise en charge des cotisations AMEXA pour l’année 2018 n’a toujours pas été activée, alors que nos interlocuteurs ministériels nous ont assuré qu’elle serait facile et rapide à mettre en place.

Prenons l’exemple des apiculteurs et apicultrices de Bretagne : ils ont déclaré leurs pertes auprès du dispositif OMAA, auprès du GIE Bretagne, auprès de la DRAAF Bretagne, ils seront appelés à les déclarer une quatrième fois début juillet. A partir de combien de déclarations le préjudice subi sera-t-il enfin reconnu et pris en charge ?

Les semaines passent et l’urgence est toujours plus criante : des exploitations vont disparaître faute d’un engagement concret et conséquent des pouvoirs publics.

Aussi, une nouvelle fois, nous demandons urgemment que l’État prenne les apiculteurs sinistrés en considération, assume ses responsabilités en tant que garant de la santé animale et environnementale, et indemnise les victimes à hauteur du préjudice subi.

Nous attendons une indemnisation des surmortalités massives de colonies constatées en sortie d’hivernage 2018 et des conséquences économiques induites par ces pertes de cheptel. Nous avons toujours été disponibles pour mettre au point et finaliser avec vous au plus vite le dispositif d’indemnisation et le rendre effectif immédiatement. L’absence de réponse actuelle de votre part s’apparente à du mépris vis-à-vis des apicultrices et apiculteurs.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Ministre, à l’expression de notre haute considération.

Marie-France Roux, Porte-Parole de la Fédération Française des Apiculteurs Professionnels
Gilles Lanio, Président de l’Union Nationale de l’Apiculture Française
Thierry Dolivet, responsable de la Commission apicole de la Confédération paysanne, et Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne